Cuba : viens chez moi, j’ai internet

Depuis fin septembre 2017, l’internet cubain amorce un mouvement de l’espace public vers l’espace privé. Étonnant ? Souvenez-vous : En Europe on a commencé par se connecter à la maison, avec notre ligne téléphonique, puis dans les cybercafés, puis dans la rue et jusque dans le métro et sur les plages. Et bien à Cuba c’est le contraire.

Internet à Cuba en 3 dates

Longtemps, internet à Cuba fut réservé à certains lieux inaccessibles au commun des mortels, comme les hôtels à clientèle internationale. Seuls quelques corps de métier, notamment les universitaires, avaient droit à une connexion perso mais limitée. En 2015 quelques bornes wifi ont été installées sur la Rampa, déclenchant une démocratisation, voire une révolution des usages.

Depuis, le nombre de lieux publics connectés ne cesse d’augmenter. En 2016 quelques maisons de la Habana Vieja sont équipées et fin 2017 l’expérience s’étend progressivement à des foyers privés dans d’autres quartiers, d’autres villes, d’autres provinces.

La Rampa, premier spot wifi, premier coworking en openspace, La Havane 2015.
Enguayabera, espace socio-culturel à Alamar, Habana del Este. Deuxième génération de wifi public, pour surfer avec un toit sur la tête, 2016.
Boutique CLandestina : Idania del Rio résume avec humour les affres des Cubaines connectées. Internet chez soi c’est bien, mais ça ne marche pas toujours. »Voici venu le moment de nous sésparer. – Mais… quand est-ce qu’on se revoit ? –  Ça… seul Etecsa le sait… »

Sports de glisse et comptes d’apothicaire

Alors, heureux ? Pas si simple. Car avant de surfer sur internet depuis leur canapé, les cubains devront ramer fort contre quelques tracasseries et, surtout, partir à la pêche aux gros sous, vu les prix astronomiques.

Théoriquement, toute personne possédant une ligne téléphonique chez elle peut acquérir le service qui, rappelons-le, est fourni exclusivement par l’entreprise nationale Etecsa. Étrangement, c’est elle qui appelle le futur client et pas lui qui fait la démarche.

Les frais de mise en service s’élèvent à 30 CUC, auxquels s’ajoutent l’achat du módem (eh oui, un modem) à 19 CUC et l’abonnement mensuel pour 30 heures, à montant variable selon la vitesse de connexion choisie. À ce stade, la calculette d’un.e salarié.e de l’État a déjà explosé.

Ah oui bien sûr il faut avoir un ordinateur compatible et un compte Nauta pour accéder au réseau. Le crédit d’heures acquis doit être consommé dans le mois et n’est pas transférable. Ça se passe comme ça chez Etecsa, en l’absence de concurrence.

Des-pa-ci-to

Pour 30 CUC on peut accéder au « paquete » de base à 512 Kbps, ce qui procure l’avantage d’avoir l’impression de se connecter depuis le Mont-Blanc. Mais on peut aller jusqu’à un super véloce 2.048 Kbps si on est prêt à débourser plus du double, chaque mois¹. Et si on possède une foi totale en la qualité du service…

Malgré tout, il existerait aujourd’hui dans la capitale cubaine des centaines de comptes Nauta Hogar actifs et presque autant dans des petites stations touristiques comme Viñãles. Je doute qu’ils appartiennent vraiment à des trabajadores, compañeras, cubanos de a pie… bref à des particuliers ordinaires.

Tout ça va avancer petit à petit. Les prix vont probablement baisser tout comme ceux du wifi. Quelques « astuces » 100% cubaines vont certainement voir le jour pour améliorer le service… Mais qu’est-ce que cela va changer au quotidien ?


Pour nous, visiteurs, à moins de souscrire un compte Nauta (avec une adresse mail en @nauta.cu, très chic) et à moins de squatter l’ordi de nos hôtes (avec modération), la connexion wifi publique est toujours d’actualité. Pour 1 CUC de l’heure (nouveau prix novembre 2017) vous aurez une connexion dont la vitesse est aléatoire, et en plein air, ce qui a parfois son charme. Voyez l’article Recherche wifi désespérément qui comporte des cartes pour repérer les spots à La Havane et dans les grandes villes.


Les parcs vont-ils se vider de ces surfeurs immobiles, le visage illuminé par l’écran de leur tablette jusqu’aux petites heures de la nuit ? Les gamins vont-ils déserter la rue / le gymnase / cours de danse / club d’échecs… pour plonger dans les jeux en ligne et les réseaux sociaux ?  Les blogueurs et journalistes seront-ils plus ou moins surveillés que par le passé ?

La Havane, un parque équipé du wifi où l’on peut – aussi – continuer à jouer au foot !

C’est trop tôt pour le dire mais le phénomène est irréversible et va, malgré l’obstacle du prix, profondément modifier les usages sociaux de l’Île.

Pour l’heure, les casas particulares qui peuvent proposer le service wifi entre leurs murs ne se privent pas d’en faire la pub et c’est tant mieux !


Casa de Alicia y Maria, dans le Vedado : le wifi au petit déjeuner, nouveau luxe à consommer avec modération, car les hôtes n’ont pas (encore) de connexion illimitée !

¹ Une autre source évoque des tarifs légèrement différents, à Holguin : 1O CUC pour la mise en service, toujours 19 CUC pour le modem et de 15 à 70 CUC pour 30 heures mensuelles, selon la vitesse de connexion.

Voir l’article Etecsa extenderá su servicio doméstico de internet a toda Cuba en diciembre dans 14yMedio.

Photo à la Une : l’heure de pointe pour les connexions internet autour du spot wifi du parque de Linea y L, Vedado, La Havane 2016.


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