Carlos Acosta : voulez-vous danser avec moi ?

Dans quelques jours à peine, les danseurs se presseront aux portes de l’Escuela de Ballet Fernando Alonso à l’invitation de Carlos Acosta, lequel convoque une audition pour artistes classiques & contemporains !

Événement à double titre : le fils prodig(u)e revient au pays et un nouveau projet artistique voit le jour, en ces temps de grandes interrogations sur l’avenir culturel du pays. Hors, si la plupart des compagnies de danse se forment par scission à partir d’une compagnie existante, celle de Carlos Acosta a déjà une histoire fort originale dès avant sa naissance…

Cette nouvelle compagnie aura ses quartiers au Centro de Danza de La Habana – où elle partagera les locaux avec DanzAbierta et Rosario Cárdenas Danza Combinatoria – et sera composée de 6 femmes et 6 hommes pour commencer.

Darcey Bussel, Carlos Acosta, Royal Ballet
Darcey Bussel, Carlos Acosta, Royal Ballet

Quant à Carlos, 42 ans, vous ne le verrez plus en collant blanc sauf si vous vous précipitez sur les prochaines représentations du Royal Ballet de Londres, puisque sa retraite comme Principal de cette vénérable institution est annoncée pour l’année prochaine. Il offre un pot de départ de luxe : sa propre version de Carmen¹, dans laquelle il dansera en alternance Don José (collant noir) ou Escamillo (culotte de toreador). Mais les jeans lui vont bien aussi et qu’on se rassure, il continuera à danser du contemporain, considéré – à tort ou à raison – comme moins exigeant techniquement.

Débuts

Carlos est à la danse ce que Zizou est au foot : une divine surprise et un chemin de vie si beau qu’il paraît écrit par un gourou du storytelling : Cadet d’une famille de 11 enfants, il passe son temps dans la rue et ne jure que par Michaël Jackson. Son père l’inscrit de force à l’école de ballet (où l’ado sera nourri et chaussé, ça compte !) et Carlos se retrouve vissé à la barre 4h par jour, sans avoir jamais vu un ballet de sa vie. Problèmes de discipline, départs et retours, mais ses professeurs ont compris avant lui qu’il allait s’épanouir et faire des étincelles : en 1990 il gagne 4 prix dans les meilleurs concours internationaux… Il passera finalement peu de temps au Ballet Nacional de Cuba car les grandes compagnies se l’arrachent et c’est le Royal Ballet de Londres qui se l’attachera durablement, faisant de lui le premier Prince à la peau brune de l’histoire du Royaume-Uni.

Et maintenant, vous vous demandez ce qu’il a de spécial : certes il est princier, il tourne et saute formidablement, mais il y a autre chose : une musicalité, un plaisir qui donnent vie à tous les rôles y compris les variations complètement stéréotypées du répertoire classique ! Et non il n’a pas « le rythme dans la peau », tout ça est le fruit du travail et je vous propose ci-dessous une petite vidéo (de mauvaise qualité) où on voit que Carlos fait la différence en termes de précision et finition, sans parler de l’amplitude et de l’incroyable petite batterie. Ses collègues (dont José Martinez, étoile de l’Opéra de Paris) ont l’air tout perdus à côté de lui…

London

Entre la date où le jeune danseur caribéen est arrivé au Royal Ballet avec sa valise et ses rêves et celle, récente, où Carlos d’Angleterre a remis la médaille de « Commander of the Order of the British Empire » à Carlos de Cuba (vous pourrez lui dire « Sir » la prochaine fois que vous le croiserez), il y a une carrière formidable et une vraie réflexion sur l’avenir de la danse dans son pays d’origine.

Retour à La Havane

Il a fait venir le Royal Ballet à La Havane en 2009, créé une fondation, levé des fonds et déposé un projet pour réhabiliter l’Escuela Nacional de Arte² (en piteux état) avec l’architecte sir Norman Foster – excusez du peu – et en faire un grand centre de danse accessible à plusieurs compagnies… mais manifestement ça coince quelque part, peut-être au niveau du Ballet Nacional qui peine à envisager l’après Alicia…

La bataille n’en finit plus mais aujourd’hui Carlos Acosta marque un point, bien que le Centro de Danza, sur le populaire Prado, soit un foyer bien plus modeste que l’Escuela Nacional. Mais le temps joue pour lui et nous on attend avec impatience de voir !

Pour patienter, un bel album photo sur la page FB de Carlos Acosta.


Sources : Carlos Acosta convoca a audiciones para fundar su compañía | OnCuba

article même sujet sur Radio Rebelde

¹ Après Roland Petit, Alberto Alonso et Mats Ek, le défi !

² l’ex ISA (Instituto Superior de Arte), construit au début des années 60 sur le site de l’ancien Jockey Club sous la direction de Ricardo Porro. C’est Vittorio Garatti qui s’était chargé de l’Escuela de Ballet. Son architecture organique de briques a vite été désavouée par le régime et certains bâtiments ont été laissés à l’abandon pendant 50 ans… Voir aussi Dancing with Cuba, Salon 3 et la page Architecture.

L’autobiographie de Carlois Acosta No Way Home : a Cuban Dancer’s Story n’est à ma connaissance pas traduite en français mais se trouve très facilement sur internet en tous formats.

Photo miniature : scillystuff (Flickr) CC BY 2.0 http://creativecommons.org/licenses/by/2.0, via Wikimedia Commons. Merci !

Photo à la Une : montage d’après « Carlos Acosta and Guests at the Day of the Flowers Afterparty » photo Eoin Carey, licence Creative Commons. Merci aussi !

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